1er dimanche de l’Avent, la Madeleine repentante
Veillez, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison (Mc 13, 33-37)
La Madeleine repentante
Georges de La Tour (1593-1652)
Une femme, cheveux dénoués, assise sur un tabouret devant une table, portant une chemise bouffante blanche et une longue robe rouge cramoisi. Sur ses genoux, repose un crâne humain sur lequel elle joint les mains. Sa tête est tournée vers un miroir richement encadré posé sur la table, dans lequel se reflète la flamme d’une bougie. D’autres objets se trouvent sur la table : un collier de perles blanches, quelques pièces de monnaie et une sorte de vase métallique derrière le miroir. Le mur brun du fond est noirci par l’ombre du miroir. Aux pieds de la femme, quelques bijoux abandonnés : bracelets et boucles d’oreille.
Madeleine veille et médite… Cette bougie en est la meilleure expression. La nuit aide à la méditation. Le temps de l’Avent, c’est le temps de l’attente, de la veille et du désir. Attente de la venue du Sauveur dans la gloire, attente des temps derniers. Veille pour ne pas être surpris par le sommeil lorsqu’il viendra. Temps du désir, désir de sa venue. Avons-nous encore ce désir de la venue du Christ ? Veillez… Méditez… Priez… semble nous dire Madeleine.
On ne sait pas bien ce que regarde cette femme. Son regard semble perdu dans le vide, ou tourné vers un objet que l’on ne voit pas sur le tableau. En tous les cas, elle médite et elle réfléchit. Elle réfléchit comme le miroir réfléchit la flamme. Il renvoie l’image. Il nous renvoie notre image. Peut-être nous montre-t-il que la flamme physique de notre corps, lorsqu’elle se reflète (lorsque nous réfléchissons), révèle la flamme de notre âme, celle que nous avons reçue au baptême ? Nous sommes bien un corps (la bougie), une intelligence (le miroir) et une âme insaisissable mais réelle (la flamme du miroir). Et moi, est-ce que je réfléchis suffisamment ?
Marie-Madeleine veut changer de vie après sa rencontre avec le Christ, elle veut se convertir. Mais elle connaît aussi les liens qui la retiennent, ses propres esclavages… Ils sont ici symbolisés par ces riches bijoux, ce crâne et ce pot d’airain. Comme si elle devait faire une triple renonciation, un triple engagement. Trois objets qui montrent nos chaînes : la richesse des bijoux, l’inanité de notre vie humaine (tu es poussière… Gn 3, 19) et le creux de notre amour (si je n’ai pas la charité, je ne suis qu’airain qui résonne… 1 Cor 13). Temps de l’Avent pour se convertir, pour se préparer à recevoir le Sauveur, pour lâcher nos fausses richesses, redonner sens à notre vie terrestre, redonner vie à notre capacité d’amour.
Elle lâche tout cette femme. Même ses cheveux, signe de sa condition pécheresse. Peut-être a-t-elle déjà revêtu le vêtement blanc de son baptême, de sa purification ? Peut-être sent-elle l’appel de Jésus à tout donner… Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jn 15, 13). Donner sa vie, donner son sang pour les autres, ce sang rouge cramoisi qui déjà couvre ses jambes.
Pas d’Avent, pas de conversion sans offrir sa vie à Dieu et aux autres… Jésus lui-même offrit sa vie. Il l’offrit dès la Nativité comme enfant désarmé et poursuivi par la cupidité d’Hérode. Il l’offrit jusqu’à la Croix, sur le lieu du crâne (Golgotha). Marie-Madeleine semble nous appeler à le rejoindre là, au pied de la Croix, les mains posés sur le Golgotha… Noël, fête de la joie et de la famille. Noël, fête de la Paix et de l’Amour. Noël, fête des pauvres et des petits. Noël, reflet du Golgotha et de la Pâque, là où s’éclairent et se révèlent pleinement le sens de l’Avent et de la Venue du Christ. Tournons nos yeux vers la Venue du Christ. Ne lui refusons rien. Donnons-lui tout !
Le jeu de lumière de l’œuvre est surprenant. Le miroir renvoie la lumière de la flamme. Elle en est triplement éclairée : par la flamme physique, par le reflet de l’intelligence et par la lumière de l’âme. Temps de l’Avent, temps de l’attente, temps de la méditation, temps de la prière, temps de la veille, temps où Dieu se révèle à nous, nous éclaire et nous révèle ce à quoi nous sommes appelés. Un temps où le Peuple voit une lumière se lever dans les ténèbres, une lumière qui nous révèle Dieu et où Dieu nous révèle ce que nous sommes : ses enfants bien-aimés.
D’après le Père Olivier Plichon.