Des Toiles comme des Etoiles, 4ème dimanche de l’Avent : L’Annonciation de Fra Angelico

DEUXIÈME LECTURE
Le mystère gardé depuis toujours dans le silence
est maintenant manifesté (Rm 16, 25-27)

ÉVANGILE
« Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils » (Lc 1, 26-38)

L’Annonciation est un des sujets de prédilection de Fra Angelico. Ce thème apparait dans son œuvre comme une méditation sur le mystère de l’Incarnation.  Fra Angelico y affirme les deux natures du Christ, vrai Dieu et vrai homme, unies en une seule personne. La Vierge Marie par conséquent, n’est pas seulement peinte comme étant la mère de Jésus mais comme accédant par son «Fiat» au titre de mère de Dieu.

Fra Angelico (~1395-1455) L’Annonciation à Marie (1433)
Musée diocésain de Cortone

 La rencontre de l’ange Gabriel et de la Vierge Marie a lieu sous un grand portique, leurs silhouettes sont encadrées par les deux arcades du premier plan, à gauche s’étend le jardin clos, symbole de la Vierge. L’espace est asymétrique.  Espace profond et ouvert du côté de l’ange, espace plus réduit et plus intime du côté de la Vierge Marie. La structure ternaire de l’architecture à arcades est un rappel sensible que la Vierge à ce moment devient le réceptacle de la Trinité tout entière. 

La végétation de part et d’autre de la clôture est très différente. Profusion et désordre de la nature à l’extérieur, pré fleuri et disposition ordonnée des fleurs à l’intérieur. . La prairie ordonnée du jardin est l’image du paradis qui nous rappelle que Marie a été conçue sans le péché originel.

L’Ange Gabriel est vêtu avec raffinement, sa robe est brodée, le tissu soyeux. Face à l’élégance de Gabriel, la représentation de la Vierge Marie se différencie par un grand naturel.

Comment représenter l’instant de l’incarnation ?

  • Par une exception dans la perspective régulière.
    La fresque est représentée en perspective régulière. Marie est dans un bâtiment dont on voit bien, sur la gauche les trois arcades et la limite. Entre l’ange et la Vierge Marie, on entrevoit dans la chambre un lit-coffre et un rideau situé en dehors des limites extérieures du bâtiment ! Autrement dit, en devenant Mère de Dieu, Marie contient Celui qu’on ne peut contenir !
  • Par les paroles du dialogue et la colonne centrale
    Bien que leurs paroles soient inscrites dans l’espace, l’ange et la Vierge ont les lèvres closes. C’est un mystère. Les paroles de l’ange sont : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très haut te couvrira de son ombre. » (Lc 1, 35) La réponse de Marie est écrite de droite à gauche et de haut en bas : « Je suis la servante du Seigneur… ta parole. » (Lc 1, 38) Certaines paroles de Marie ne sont pas visibles : « qu’il me soit fait selon… » (Lc 1, 38)
    Il ne faut pas penser que ces paroles soient « cachées » par la colonne. En réalité, ces paroles sont réalisées, accomplies au moment où Marie les prononce : le Verbe de Dieu descend en Marie, il descend sur la terre, c’est l’Incarnation. L’Incarnation est représentée par la colonne.

On devine la colombe, symbole de la troisième personne de la Trinité (trinité qui se fait jour avec la naissance du Christ), presque totalement effacée, elle est placée au-dessus de la tête de la Vierge Marie et couronnée par la voûte. Elle occupe une position axiale dans la construction géométrique de l’image. On voit aussi dans le médaillon  entre l’archange et la Vierge, au-dessus de la deuxième colonne, une représentation du prophète Isaïe regardant la Vierge en laquelle est en train de s’accomplir sa prophétie. « Voici que la vierge est enceinte et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » (Isaïe, 7,14)

Le visage de Marie est d’une vérité prenante. Ses traits sont réguliers, harmonieux. Les yeux fixés sur l’ange, elle ne paraît ni troublée, ni étonnée ; il se dégage d’elle un grand calme. Pourtant, si l’on regarde attentivement le personnage de la Vierge, on sent que celle-ci vit un moment unique, une transformation intérieure.
Justement parce que son visage, par sa fixité, donne à celui qui contemple le tableau une impression d’un moment suspendu, crucial, intemporel.

Cette Annonciation, par sa sobriété, par la gravité de la Vierge Marie, par sa posture qui marque son entière soumission à la volonté de Dieu suggère la présence divine dans la réalité sensible. Le mystère de l’Incarnation se joue tout entier dans cet instant que le peintre a voulu représenter le plus simplement possible. Au-delà de cette apparente réalité à la fois tangible et épurée, tout un discours symbolique est suggéré afin de susciter la méditation. Le silence s’impose. La communication entre l’ange et la Vierge se fait uniquement à travers ce regard intense et presque palpable entre eux.


Merci à Bénédicte pour cette contribution et pour les précédentes qui nous ont permis de découvrir quatre œuvres à la lumière de l’Avent.

Retrouvez la série des Toiles comme des Etoiles « spécial Avent » :

La Madeleine repentante de Georges de La Tour
Saint Jean Baptiste par Philippe de Champaigne
Le prophète Isaïe par Marc Chagall