Des Toiles comme des Etoiles : 3ème dimanche de l’Avent, le prophète Isaïe par Marc Chagall

PREMIÈRE LECTURE

« Je tressaille de joie dans le Seigneur »
(Is 61, 1-2a.10-11)

L’ange couleur de feu l’embrasse. Sa grande main droite caresse le menton du prophète, ses larges ailes sont étendues par le vent. Sa robe est ample et féminine, avec des plis abondants déployés. Il semble dominer la composition, sans doute parce que l’artiste n’a jamais figuré directement Dieu par respect pour la tradition juive. C’est justement sous cette forme de l’ange qu’il représente indirectement la présence divine.

Isaïe, respectueux, s’incline en fléchissant le genou. Son visage méditatif, lumineux, à la dominante verte – couleur de l’espérance ? – semble plongé dans une profonde méditation.  La barbe longue signifie la vieillesse et la sagesse.

Chagall l’utilise ici comme le signe essentiel qui distingue le prophète-sage. Une autre convention, celle du parchemin déplié, est également présente. Les paroles divines qui lui sont inspirées par l’ange sont déjà inscrites, comme coiffées par sa grande main ouverte.

Mar Chagall – Le prophète Isaïe – Huile sur toile, 1968

A travers cette composition, Chagall nous relate les événements de l’Histoire du Salut. 

La Crucifixion est ici évoquée en arrière-plan, sur la gauche. Car c’est par sa mort et sa résurrection que le Christ, à Jérusalem, réalise la prophétie d’Isaïe, devant cette foule, « multitude des peuples », rassemblée plus bas :

« toutes ces nations afflueront vers elle, des peuples nombreux se mettront en marche, et ils diront : ‘ Venez, montons à la montagne du Seigneur, au temple du Dieu de Jacob ».

Ce temple est désormais son corps. Et il est en relation avec une autre prophétie, celle de l’annonce de la naissance du Sauveur : la mère, dans le splendide halo bleuté de son manteau, portant son enfant, située en bas à droite, au bout de la diagonale qui part de la crucifixion, sert d’élément qui relie ces deux parties. La douceur de la maternité annonce, certes, la violence de la croix, mais surtout l’amour infini qui nous est donné :

« C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (Is 7,14). 

Cette douceur participe d’ailleurs à l’ambiance paisible de cette partie droite du tableau. L’artiste représente sur la partie droite de la toile la bêtes féroces, les animaux domestiques et l’être humain heureux d’être ensemble, sous la surveillance d’un ange vêtu de blanc.

Pour lui le monde idéal est peint comme un lieu où l’homme, l’animal et l’ange vivent ensemble en paix sous le regard de Dieu, comme dans la parole du livre d’Isaïe :

« Le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble, conduits par un petit garçon. […] On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma montagne sainte » (Is 11,5-9).

Le paysage, bien qu’il soit représenté dans le cadre de l’Ancien Testament, ne cherche pas à évoquer seulement l’époque biblique. Pour Chagall, il est le paysage du présent et aussi du futur. Le fait que l’artiste ne précise clairement ni le temps ni l’espace permet de rendre le  message universel et intemporel, comme le message d’Isaïe invite chacun de nous, dans son quotidien, à accueillir la venue du Dieu sauveur et l’avènement de la paix totale.

Comme souvent dans la dernière partie de l’œuvre de Chagall, cette toile, au milieu de la chaleur et du tourbillon de la palette rougeoyante, respire la paix, avec deux personnages principaux qui déploient leurs formes généreuses, au milieu de la douceur d’autres motifs.

C’est aussi un état d’esprit particulier que nous sommes appelés à partager. La figure du crucifiée est présente, mais en arrière-plan. L’artiste regarde maintenant de l’autre côté, du côté de la vie. Sa peinture témoigne de la lumière du message de la Bible qui est l’héritage commun entre le judaïsme et le christianisme.

Nous avons à faire nôtre l’espérance et l’endurance du peuple d’Israël qui marche vers la ville sainte, vers la lumière, qui se laisse enseigner par la Parole de Dieu. Accueillons celui qui vient au-devant de nous ; accueillons la miséricorde du Fils de l’homme.