Les Rogations, un dimanche à la campagne.

Nous voilà arrivés au 6ème dimanche de Pâques, le dimanche des Rogations. 

Rogations (n. f. ) du latin rogatio, demande, prière
Au plur. Terme de liturgie catholique. Prières publiques et processions pour les biens de la terre, pendant les trois jours qui précèdent l’Ascension (s’écrit avec une majuscule).

« Ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. » (Jn 16, 23)

Une liturgie d’origine rurale du 5ème siècle

Vers l’an 470, des fléaux récurrents s’étaient abattus sur la vallée du Rhône. Saint Mamert, évêque de Vienne, institua la fête des Rogations pour demander à Dieu sa miséricorde, de protéger des calamités et de bénir la terre nourricière. La Gaule va adopter cette institution au concile d’Orléans en 511. Le concile de Tours en 567 sanctionne l’obligation du jeûne. Au 7ème siècle, l’Espagne puis l’Angleterre adoptent les Rogations ainsi que les églises de Germanie à mesure de leur fondation. Au 8ème siècle c’est au tour de Rome sous le pontificat de Léon III.

Prières et processions des campagnes avant l’Ascension  

La fête liturgique commençait le 6ème dimanche de Pâques puis continuait trois jours jusqu’à l’Ascension durant lesquels on observait le jeûne.  L’Eglise invitait les fidèles à confier leurs besoins temporels à Jésus. Il les apporterait à son Père en montant au ciel. 

Les processions des Rogations débutaient par l’imposition des cendres et l’aspersion d’eau bénite puis s’élançaient dans les chemins longeant les champs, chantant des psaumes et les litanies des saints,. L’officiant bénissait les terres en demandant à Dieu un climat favorable, la protection des cultures, des animaux, des familles et faisait station devant les croix de Rogations.  Toujours présentes dans nos campagnes aux croisées des chemins,  celles-ci témoignent de cette dévotion. Tout se terminait à l’église.

Un ancrage rural fort qui tombe peu à peu en désuétude

Les Rogations dans les campagnes vont accompagner l’ancrage territorial de la paroisse et permettre de sacraliser l’espace communautaire. Des siècles durant, elles seront un rendez-vous incontournable de la pratique rurale dont se font l’écho les peintres naturalistes. Le grand peuple paysan est porteur majoritairement de cette liturgie qui aura aussi une pratique urbaine. Tous les chrétiens font monter vers Dieu leur demande, sûrs de son action bienveillante dans le quotidien de leur vie. 

Sous les effets conjugués de l’exode rural et de la déchristianisation, les processions des Rogations ont peu à peu disparu. La réforme de la liturgie catholique en 1969,  le nouveau  » Calendarium romanum  » ont maintenu les prières des Rogations. La notion du jeûne a été abrogée. Les prières des Rogations dans le rite ordinaire ne sont plus considérées comme une préparation à la fête de l’Ascension. Le Calendarium observe que ces prières n’ont pas la même importance à la ville et à la campagne et permet à chaque évêque d’en fixer librement les dates. La plupart des pays continuent de suivre cependant le calendrier traditionnel.  

Un nouvel élan pour les Rogations 

Depuis quelques années, on assiste à un renouveau de la liturgie des Rogations. A la campagne, les paroisses organisent des processions de Rogations. Une manière de rappeler que la science n’a pas de réponse à tout, l’occasion aussi de rappeler que Dieu intervient dans la vie de tous, selon le sens du mot bénédiction. Les Rogations peuvent donner lieu à une véritable catéchèse : c’est une invitation à mettre sa vie sous le regard de Dieu, avec la terre qu’il nous a confiée. 

Dans l’esprit de Laudato Si

Les célébrations autour des fruits de la terre ont toujours rassemblé bien au delà des agriculteurs. Beaucoup de nos contemporains se sentent concernés aujourd’hui par les problématiques du monde agricole, la juste rétribution du travail de la terre, la sauvegarde de l’environnement, l’avenir de la planète. A l’instigation du Pape Benoit XVI, l’Eglise italienne a instauré le 1er septembre comme journée de sauvegarde de la création, journée de réflexion et de prière. 

De nouvelles perspectives pastorales s’ouvrent dans la postérité de l’encyclique Laudato Si où le pape François en appelle à la responsabilité et à la conversion de chacun. Il nous invite à prendre soin de la vie et de la beauté, à être des protecteurs de la terre et non des prédateurs, à estimer la valeur de chaque chose.

 La procession des Rogations pourrait être un temps pour s’émerveiller et rendre grâce à Dieu pour les dons reçus. Ce serait aussi l’occasion de lui demander de bénir la terre et le travail de l’homme, de lui confier ceux qui ne bénéficient pas des biens de la terre à cause de la pauvreté ou de phénomènes climatiques. Enfin on pourrait lui demander de nous éclairer et nous soutenir dans notre lutte pour la sauvegarde de Sa création et prier pour que l’humanité amène la création à son achèvement.

A l’occasion des Rogations, je vous propose la bénédiction de l’Eglise à l’usage des laïcs tirée du livre des Bénédictions du rituel romain. 

Tu es béni, Seigneur, créateur de l’univers, 

Toi qui as fait tout ce qui est bon

et qui as donné la terre à cultiver à l’homme :

permets que nous nous servions toujours de Ta création

avec action de grâce

et que nous partagions avec les pauvres

ce qui nous vient de Toi,

dans la charité du Christ notre Seigneur.

Lui qui règne avec toi pour les siècles des siècles.

Amen.

Seigneur, Tu veux que les hommes

s’emploient par leur travail

à maîtriser les énergies de la nature :

ne permets pas que cette maîtrise

tourne à leur asservissement,

mais fais que, en unissant nos efforts,

nous travaillons de grand cœur

pour que Ta création parvienne

à son achèvement dans le Christ.

Lui qui règne avec toi pour les siècles des siècles.

Amen.

Merci à Claire pour cette contribution…