Les feux de la Saint Jean
Depuis l’Antiquité, le solstice d’été est l’occasion de feux de joie pour honorer le soleil qui nous donne la lumière. Aujourd’hui, c’est toujours l’occasion de fêtes populaires et depuis 1977 c’est même la fête nationale du Québec.
Le christianisme ancien a repris ce rite païen en y associant le symbole de saint Jean Baptiste « Jean était la lampe qui brûle et qui luit, et vous avez voulu vous réjouir une heure à sa lumière » (Jn 5,35). L’Eglise catholique célèbre à cette date la solennité de la Nativité de saint Jean Baptiste qui est intimement liée à l’avènement du Messie. En fixant cette fête le 24 juin, six mois avant Noël lorsque les jours décroissent – contrairement à Noël qui marque le temps où les jours rallongent – l’Eglise fit sienne la parole du prophète : « Il faut qu’il croisse et que je diminue » (Jn 3,30).
Dans son évangile, saint Luc construit un parallèle entre Jean et Jésus. La parenté et la continuité entre les deux enfants font ressortir la supériorité de Jésus sur Jean. Une supériorité que Jean revendique « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. » (Lc 3,16)
Jean, prêtre
Selon Lc 1, 5-25, Jean est le fils inespéré du prêtre Zacharie et de sa femme stérile, Élisabeth. Zacharie et Élisabeth dont les noms signifient « Le Seigneur se souvient » et « Dieu a promis », incarnent le sacerdoce juif dans sa pureté. Ils sont cependant privés de la bénédiction d’avoir un enfant. La future naissance annoncée par l’ange Gabriel au temple à Zacharie (Luc 1, 13-14) provoque le manque de confiance du prêtre qui est puni par un mutisme temporaire. Lorsque la Vierge Marie, enceinte, se rendra chez sa cousine Élisabeth, Jean exultera de joie, reconnaissant déjà le Messie. Zacharie retrouve la parole à la naissance de son fils, pour bénir Dieu (Lc 1, 67-79). Jean étant d’une lignée sacerdotale devrait être prêtre. Pourtant Jean ne succédera pas à son père. Comme si le sacerdoce du temple était devenu inutile, il sera prophète. Car un autre médiateur apparaitra entre Dieu et son peuple : Jésus.
Jean, prophète
Jean « sera rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère » (Lc 1,15) comme Samson (Jg 13,5), Jérémie (Jr1,5) ou le Serviteur de Dieu (Is 49,1.5). L’Esprit le fait « bondir » dans le ventre d’Élisabeth, lorsqu’elle accueille Marie enceinte de Jésus. Zacharie inspiré par l’Esprit, à la naissance de Jean, prophétise (Lc 1,67). Le destin de Jean comme prophète (Lc 1,76) est un écho des paroles de l’ange : «afin de former pour le Seigneur un peuple préparé » (Lc 1,17). Jean est décrit en solitaire ascétique, « vêtu de poil de chameau et d’une ceinture de cuir autour des reins, et il mangeait des sauterelles et du miel sauvage » (Mc 1, 7 ; Mt 3,4 ; Mt11,18). Il prêche la venue des temps neufs et un baptême de repentance pour le pardon des péchés : le bain dans l’eau du Jourdain.
Les rituels d’eau
A l’époque de Jésus, le souci de purification avait conduit les pharisiens et les esséniens à multiplier les rites d’ablutions. Ces rites de pureté, réservés initialement aux prêtres, s’étaient progressivement imposés aux fidèles. Des ablutions précédaient les repas, accompagnaient les enterrements, les accouchements, les rapports sexuels. À proximité des synagogues se trouvaient également des bassins où l’on pouvait se purifier avant de prier. Au 1er siècle de notre ère, un baptême fut même proposé aux païens qui voulaient se rapprocher du judaïsme. C’était essentiellement un rite de purification qui n’intégrait pas totalement au peuple juif, d’où son nom de »baptême des prosélytes ».
Les baptêmes
Depuis le 2e siècle avant J.-C. se développaient au sein du judaïsme divers mouvements baptistes. Alors que les rites d’eau ne permettaient pas le salut mais une purification sans cesse à renouveler, ces véritables baptêmes, dans l’eau courante, apportaient le pardon des péchés. Dépassant les barrières habituelles de pureté, ils s’adressaient à tous et proclamaient l’imminence du salut en invitant à la conversion du cœur. Certains rites proposaient un baptême quotidien comme les hémérobaptistes.
Ces mouvements correspondaient à un renouveau spirituel en réaction à une religion très institutionnalisée où le temple et ses prêtres tenaient une place essentielle dans le pardon du péché.
Jean le Baptiste
Le baptême que propose Jean Baptiste est le mieux connu de ces rites baptismaux. Deux particularités le distinguent des autres. Le candidat à ce baptême ne se lavait ni ne se plongeait lui-même : ce rite lui était administré par un autre. Alors que les ablutions et les autres baptêmes pouvaient être réitérés, ce rite était unique et définitif.
C’était un formidable défi au Temple puisque celui qui recevait le baptême de Jean pouvait obtenir le pardon des péchés hors du Temple, de ses rites et de ses hommes une fois pour toutes. Voilà qui peut éclairer la démarche de Jésus allant se faire baptiser par Jean Baptiste.
Jean-Baptiste baptisera Jésus et guidera vers lui ses meilleurs disciples. Il s’effacera pour lui laisser la place. Le 29 août, l’Église fait mémoire de son martyre. A Jean, Jésus rendra ce témoignage : «Parmi les enfants des femmes, il n’en est pas un de plus grand que Jean-Baptiste.» (Lc 7,28)
Jean témoin et précurseur
Jean est la figure du Précurseur. Il ne fait que passer en annonçant la venue d’Un plus grand que lui. Cette annonce est explicitée par le doigt pointé vers le Ciel des nombreux tableaux le représentant. « Il y eut un homme, envoyé de Dieu ; son nom était Jean. Il vint en témoin, pour rendre témoignage de la lumière, afin que tous les hommes eussent la foi par lui. Il n’était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage de la lumière » (Jn 1, 6). Sa mort, au début des évangiles, va laisser la place entière à la figure de Jésus : l’ancienne alliance s’efface devant la nouvelle.
Jean « Dieu fait grâce »
Le nom de Jean porte en lui sa mission : nous inviter à découvrir que Dieu fait grâce. Ce message ne sera accueilli que par ceux et celles qui acceptent de se convertir, de se déplacer, d’aller au désert écouter la Parole. Et nous, comment découvrons-nous que Dieu fait grâce à son peuple aujourd’hui encore ?
Prière de saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109)
O bienheureux Jean
toi qui as baptisé le Fils de Dieu,
tu étais rempli de l’Esprit Saint
avant même d’être enfanté.
Et tu reconnaissais Dieu
avant que le monde ne l’ait connu.
Tu as reconnu la Mère de ton Dieu
avant que ta mère l’ait saluée.
Ami de Dieu, intercède pour nous.
Merci à Claire pour cette contribution.