Pourquoi lit-on l’Evangile selon saint Jean durant le temps pascal ?

Une amie m’a posé cette question. Je vais tenter d’y répondre. En préambule, il me semble intéressant de revenir sur l’origine et l’organisation du lectionnaire dominical.

Du lectionnaire traditionnel au lectionnaire actuel

Le lectionnaire traditionnel d’avant Vatican II se déroule sur une année. On lit les évangiles selon saint Mathieu et saint Jean, les épîtres catholiques et de saint Paul, rarement l’Ancien Testament, jamais les Actes, ni la lettre aux Hébreux.

Le lectionnaire actuel, c’est-à-dire l’ensemble des passages bibliques lus en liturgie, est issu de la réforme liturgique de Vatican II entrée en vigueur en 1969. 

Pour le nouveau lectionnaire, les pères conciliaires ont retenu les orientations suivantes : 

  • Maintenir les lectures traditionnelles qui relatent les évènements des grandes fêtes
  • Garder les usages liturgiques continus : lecture d’Isaïe durant l’Avent
  • Reprendre des traditions anciennes : lectures catéchuménales de l’évangile selon saint Jean en Carême (samaritaine, aveugle-né ,résurrection de Lazare)
  • Suivre la Constitution conciliaire 51 « Présenter aux fidèles avec plus de richesse […] la parole de Dieu […] pour que, dans un nombre d’années déterminé, on livre au peuple l’essentiel des Saintes Écritures ».

Cela a obligé à abandonner le cycle annuel de lectures et à distinguer les lectures dominicales des lectures de semaine ou des célébrations occasionnelles.
Ainsi sont apparus trois lectionnaires : dominical, férial et sanctoral.

  • Le lectionnaire dominical pour chaque dimanche de l’année, Noël, le triduum pascal, les solennités du Seigneur et une série de fêtes et de solennités à date fixe pouvant être célébrées le dimanche.
  • Le lectionnaire férial  pour les messes de semaine du lundi au samedi.
  • Le lectionnaire pour la célébration des saints, intentions et circonstances diverses, messes votives dit sanctoral pour les mémoires et fêtes des saints, de solennités ou fêtes comme l’Assomption ou la Transfiguration, de circonstances particulières (dédicace d’église, la Vierge Marie, les martyrs de l’Eglise), les messes votives et les intentions particulières.

Organisation du lectionnaire dominical

L’année liturgique conserve sa structure traditionnelle : 

  • Avent : quatre dimanches avant Noël, 
  • Temps de Noël et ses fêtes : Sainte Famille (dimanche après Noël), sainte Marie Mère de Dieu (1er janvier), Épiphanie (6 janvier ou le dimanche après le 1er janvier), Baptême du Seigneur (dimanche après le 6 janvier),
  • Carême : six dimanches avant Pâques, commence le mercredi précédent dit des Cendres,
  • Triduum pascal : du jeudi saint à la veillée pascale du samedi soir,
  • Temps pascal : du dimanche de Pâques à celui de Pentecôte,
  • Temps Ordinaire : trente-quatre semaines du Baptême du Seigneur au mercredi des Cendres, puis du lendemain de la Pentecôte à la veille de l’Avent.

    Pour chaque célébration, la première lecture est tirée de l’Ancien Testament (liée au thème de l’évangile) ou des Actes des Apôtres (temps pascal), la seconde tirée du Nouveau Testament (épîtres et Apocalypse). Par tradition, l’évangile, sommet de la Liturgie de la Parole est lu en dernier.  

Les lectures sont réparties sur un cycle de trois années. La lecture semi-continue est privilégiée : on lit dans l’ordre du texte des passages d’un même livre biblique un certain nombre de dimanches consécutifs.

Chaque année liturgique est dominée par la lecture de l’un des évangiles synoptiques : selon Saint Mathieu, année A, Saint Marc, année B, Saint Luc, année C. 

L’Evangile selon saint Jean a une place à part

L’évangile selon saint Jean entre dans les lectures dominicales du temps ordinaire en lecture semi-continue dans les années B pour compléter saint Marc qui est court.

En outre, il a sa propre année de lecture durant la Semaine Sainte et le Triduum pascal.

De par la Tradition, il occupe une place dominante spécialement à Noël, dans les dernières semaines de Carême et au Temps pascal. 

En lisant les évangiles selon saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, le lecteur peut avoir l’impression de relire trois fois la même histoire. Ces évangélistes reprennent  les mêmes traditions littéraires sur Jésus : miracles, discours, controverses. D’où leur nom de synoptiques : que l’on peut regarder ensemble. 

En abordant l’évangile selon saint Jean, appelé aussi le quatrième évangile, ou « l’évangile spirituel » par Clément d’Alexandrie, on entre dans un monde différent. 

Là où les synoptiques nous racontent la vie de Jésus dans un cadre simplifié issu de la première prédication, le quatrième évangile nous présente Jésus, dès le prologue, comme le Verbe Incarné et nous amène à reconnaître le Christ comme le Fils de Dieu.

Les synoptiques insistent sur les œuvres de puissance divine de Jésus et sur la prédication du Royaume, alors que Saint Jean, en parlant de signe, ne met pas l’accent sur l’extraordinaire de ces gestes mais sur le sens à leur donner. Il retient quelques éléments centraux de la révélation de Dieu en son Fils sur lesquels il disserte longuement et dans lesquels il nous fait contempler le don de la vie nouvelle dans le Christ. 

Plus que les synoptiques, cet évangile se comprend à la lumière de la Résurrection et développe les implications de la foi dans la vie du croyant. Saint Jean souligne qu’une telle compréhension n’est possible qu’après Pâques, grâce au don de l’Esprit et grâce à l’expérience en l’Eglise. La foi chrétienne n’est pas tant une adhésion intellectuelle à des articles doctrinaux, mais une nouvelle naissance dans l’eau et l’Esprit par le baptême, dans la mort et la résurrection du Christ.  

C’est bien d’Esprit qu’il s’agit. Saint Jean nous présente une mémoire de l’Esprit Saint : une interprétation du message du Christ par l’Eglise vivant dans l’Esprit.

C’est sans doute pour cela que la Tradition de l’Eglise nous donne à lire et méditer saint Jean durant le temps pascal. Cet évangile écrit « pour que vous croyiez que Jésus est le Christ Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie par son nom » (Jn 20,31).

Merci à Claire pour cette contribution…