Thème Pastoral 2022 – 2023

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« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! » Mt 25,40

La Parabole du jugement dernier – Matthieu 25,31-46

Jésus parlait à ses disciples de sa venue: « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs: il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite: “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !

Alors les justes lui répondront: “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?

Et le Roi leur répondra: “Amen, je vous le dis: chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche: “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.”

Alors ils répondront, eux aussi: “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service?” Il leur répondra: “Amen, je vous le dis: chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.” Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

Pour faire résonner le verset « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! » dans notre foi et notre vie de chrétien dans le monde, il faut le lire et le comprendre dans le contexte de l’évangile d’où il est issu, Matthieu 25, 31-46.

Pour vous aider à vous approprier et méditer cet évangile, voici :

1 – Contexte biblique de l’évangile du jugement dernier

2 – Quelques clefs de lecture

3 – Se laisser transformer par la parole

4 – Pour un partage/temps de prière en groupe

5 – Prières de nos ainés

6 Pour approfondir

1 – Contexte de l’évangile de Matthieu 25, 31-46

L’emplacement de ce texte dans l’évangile de Matthieu n’est pas anodin, d’une part cet évangile s’inscrit dans une série de discours de Jésus sur l’imminence de la venue du Royaume de Dieu et sur le jugement qu’elle implique (chapitre 24 et 25) et d’autre part dans le récit évangélique, on est au moment où Jésus arrive à Jérusalem, juste avant d’entrer dans la Passion (chapitre 26) .

Le chapitre 24 c’est le temps de l’apocalypse chez Matthieu, un moment marqué par des drames, épidémies, phénomènes cosmiques, avec cette question « que devons-nous faire? ». Matthieu répond dans le chapitre 25 avec la parabole des dix vierges (Matt 25, 1-13), celle des talents (Matt 25, 14-30) et celle du jugement dernier (Matt 25, 31-46).
Dans la parabole des dix vierges, Jésus condamne ces jeunes filles qui s’étaient endormies en attendant le marié au lieu de faire une provision suffisante d’huile. Dans celle des talents, Jésus condamne celui qui, ayant reçu un talent, l’a caché au lieu de le faire fructifier, par peur de Dieu. Dans ces deux cas, Jésus dénonce le repli sur soi et le manque de désir pour Dieu et appelle à la vigilence.

Dans la parabole du jugement dernier, Jésus appelle à une conversion de nos attitudes et comportements en adoptant la figure du pauvre, du plus petit par qui nous serons sauvés. C’est l’annonce d’un salut pour tous qui commence ici et maintenant, grâce à nos actions du quotidien plutôt que la menace d’un jugement futur imposé par Dieu

La particularité de l’évangéliste Matthieu est d’offrir le salut pour tous. C’est parmi des hommes de toutes races, de toutes cultures, de toutes religions que se vit déjà au jour le jour quelque chose du Royaume. Matthieu montre comment le Christ est venu, a apporté cette bonne nouvelle du Royaume, a révélé ce qui est bon et montré ce qui n’est pas juste et a indiqué un chemin de conversion pour chacun. Matthieu cite ainsi Jésus (Mt 7,21) : « Ce n’est pas en me disant : Seigneur, Seigneur ! qu’on entrera dans le Royaume des cieux ; mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. ». Cet évangile appelé parabole du jugement dernier pourrait être aussi nommé la parabole du geste qui sauve puisqu’il nous apporte l’espérance du salut et de l’éternité.

Dans Matthieu 25 il est question d’un Fils de l’homme glorieux rendant ses jugements assis sur son trône de gloire. Quelques versets plus loin, nous découvrons un Fils de l’homme humilié et crucifié — non plus dans la peau du juge mais dans celle de l’accusé ! Le jugement, c’est donc Jésus qui va le subir en premier: lui l’innoncent il sera torturé puis cruxifié. Sur la croix, il devient le pauvre, prisonnier, nu, affamé, assoiffé, étranger et malade. Celui qui va être crucifié, le plus petit, est aussi celui qui va advenir dans la gloire…

Ainsi la place traditionnellement accordée à Dieu, celle du juge tout-puissant, n’est pas, en réalité, celle que va occuper le Christ. La croix nous montrera Dieu à une autre place que celle du juge tout-puissant. En régnant sur la Croix, Jésus nous juge dans son amour.
« Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour » St Jean de la Croix Cet évangile, Matthieu 25, 31-46, est le dernier discours de Jésus avant sa Passion, le chapitre 26 débutant par : « Lorsque Jésus eut terminé tout ce discours, il s’adressa à ses disciples : ‘Vous savez que la Pâque a lieu dans deux jours, et que le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié’. » Ainsi, Jésus, avant de mourir, nous enseigne qu’il demeurera en la personne du plus petit, nous confiant ainsi ce qu’il a de plus précieux au monde : l’humanité.

2– Quelques clefs de lecture

La Parole de Jugement

Les représentations du Jugement dernier ont marqué l’imaginaire, au point parfois d’en donner une évocation très éloignée du sens biblique. «Jugement» dans la bible est une traduction des mots grec krisis et latin judicium qui signifient aussi discernement, tri, séparation. Dans l’univers biblique, une parole de jugement cherche plutôt à provoquer chez le lecteur une interrogation sur soi, une remise en question de sa compréhension du monde. La parole de jugement a pour objectif de mettre en question nos idées, nos pensées, nos habitudes, nos croyances et nos pratiques, bref de susciter une prise de conscience et un sursaut de responsabilité.

L’Evangile invite à une conversion du regard qui entraîne une conversion dans la manière d’être et d’agir aujourd’hui.

Les différentes figures du Christ

Dans ce texte, le Christ est à la fois Fils de l’homme, Roi glorieux, qui juge les nations, ainsi que berger et frère des plus petits…

Déjà dans le Premier Testament, l’image du berger illustre l’action bénéfique et bienveillante de Dieu envers son peuple. À la double figure du fils de l’homme et berger, s’ajoute maintenant celle du roi et fils. Ces termes reprennent évidemment les aspects eschatologiques (Dieu juge et roi de la fin des temps) en l’associant à la mission unique et particulière de Jésus : révéler le règne du Père dès maintenant. Le roi de la parabole se présente ainsi comme le serviteur de son père : il agit en fonction de lui et se situe comme son lieutenant. Le Jugement devient un appel, « Venez », destiné aux élus de toutes les nations. Ceux que le roi convoque sont ainsi placés dans la bénédiction du Père. La part qui leur revient n’est pas un mérite mais un don, un héritage. Cet héritage implique donc leur identification au fils. L’identité des élus est assimilée à ceux qui vivent de l’appel du Christ et s’inscrivent dans une authentique relation filiale et fraternelle, entre disciples et un Dieu Père.

Jésus nous montre aussi que le sens de la royauté -ou de la puissance- est de se mettre au service des autres. Il a confirmé qu’il était Maître et Seigneur (cf. Mt 23, 8-10, Jn 13, 13), et qu’il était Roi (cf. Jn 18, 37), mais il a exercé sa fonction de serviteur en lavant les pieds de ses disciples (cf. Jn 13, 4-5) et il a régné en donnant sa vie. Jésus-Christ règne d’abord à partir d’un humble berceau (une mangeoire) et ensuite à partir d’un trône pas très confortable, c’est à dire, la Croix.

L’exigence biblique de la charité

Ce texte est une invitation à nous engager dès maintenant dans le monde au service des plus petits. Il nous est même dit qu’auprès de ces plus petits, c’est Dieu lui-même que nous trouvons. Et par conséquent, ce qui aux yeux du monde apparaît sans valeur à cause de sa faiblesse, de sa nullité et de sa non-rentabilité, se révèle aux yeux de la foi être ce qu’il y a de plus précieux, un trésor sans prix. 

En tendant la main à l’autre, on peut voir le Christ. En visitant le pauvre, le Christ nous est donné à voir. Jésus est déjà présent, caché au cœur de chaque personne. C’est seulement à la fin des temps que la gloire de Dieu sera révélée en chacun de nous. On retrouve dans la parabole du riche et du pauvre Lazare (Luc 16, 19-31) la radicalité de la présence du Christ dans le pauvre.

« Dans le pauvre, nous touchons réellement le corps du Christ. Dans le pauvre, c’est le Christ affamé que nous nourrissons; c’est le Christ nu que nous habillons; c’est le Christ sans demeure que nous abritons. Il ne s’agit pas seulement de faim de pain, de manque de vêtements ou de besoin d’une maison faite de briques. Aujourd’hui, le Christ a faim dans nos pauvres gens. Mais même les riches ont faim d’amour, d’attention, faim d’être désirés, d’avoir quelqu’un qui soit leur. » Mère Teresa

Un avertissement pour nous réveiller

Ainsi la façon dont je vis n’est pas neutre devant l’éternité, je me présenterai devant Dieu avec ce que je suis et la réalité de mon existence. C’est un avertissement prophétique pour ceux qui entendent ce texte, qu’aujourd’hui dans mes actions, dans mon regard que je porte au plus petit, il m’est donné de voir le Christ, de participer à son Royaume et d’être sauvé… ou pas !

3 – Se laisser transformer par la parole

Ce texte n’est pas une description, mais une parabole. Il s’agit donc d’un langage imagé, symbolique, poétique, qui nous invite en tant que lecteurs, à en rechercher le sens. Le but de Matthieu n’est pas de nous livrer un prétendu savoir ou une description de l’au-delà, mais d’indiquer comment on s’en rapproche et de nous faire réfléchir à nos vies actuelles ! La question est donc, au fil de notre effort de compréhension, de trouver l’appel que nous pouvons entendre dans ce texte aujourd’hui. Une parabole cherche à nous déstabiliser, pour que nous puissions changer de regard sur Dieu, sur nous-mêmes et sur le monde. Et en tirer les conséquences dans nos décisions, nos relations et nos engagements. Ce que nous donne à comprendre cette Parole et que chacun peut méditer :

  • Dans ce texte, ce sont deux attitudes opposées qui sont visées et non pas deux catégories de personnes. Il ne s’agit pas de séparer l’humanité en deux catégories, les bons/les justes d’un côté et les méchants/les pécheurs de l’autre ! C’est l’attitude et le comportement de l’homme – c’est à dire son aptitude à s’accorder au projet de Dieu – qui sont jugés mais pas ses mérites religeux ou sa foi.
    => Est-ce que j’ai le soucis de m’accorder au projet que Dieu à pour moi ? Est-ce que je m’offre des temps pour discerner où le Seigneur m’attend ?

  • Nous sommes ce fils de l’homme fait pour participer à l’oeuvre du salut. Autrement dit, chacun est source de salut à travers ce qui relève du Christ dans notre personne. Chaque instant de notre existence est important et doit être vécu avec intensité, sachant que chacun devra rendre compte de sa propre vie. La Parole de Dieu elle-même nous rappelle la nécessité de notre engagement dans le monde et notre responsabilité face au Christ. Nos actes ont de l’importance, nous sommes responsables de ce que nous faisons.
    => Qu’est ce que je fais de ma vie ? Que fais je concrètement de ma foi ?

  • Les œuvres de miséricorde sont l’expression de notre foi. La loi s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain. Nos actions traduisent notre relation au Christ. Nous pouvons chercher et trouver le Christ dans sa Parole, dans l’Eglise, dans les sacrements mais dans cette parabole, Matthieu nous indique une autre voie, là où Il se donne à rencontrer : dans le pauvre, les prisonniers, les malades, les mal vêtus, les étrangers, les affamés, les assoiffés…. Le Christ est là où très souvent nous pensons qu’il n’est pas ; Il est là où trop souvent le monde ne veut pas ou n’ose pas aller à sa rencontre…
    En un certain sens le pauvre est notre maître car le pauvre, c’est le visage de Jésus qui se fait mendiant de notre amour.
    => Comment ai-je pris soin des autres, des pauvres, des gens dans le besoin et des marginalisés en particulier ? Ou alors, ai-je donc si bien organisé ma vie que les nécessiteux n’empiètent jamais sur moi ? Comment est-ce que je veille sur le Christ ?

  • Ce jugement de Dieu est un don à recevoir dès aujourd’hui, un amour puissant qui sans cesse vient chercher ce qui est beau en nous et soigner ce qui est abimé en nous. Jésus est très clair sur les critères pour découvrir si je suis une de ses « brebis » ou un « bouc ». De quelle manière ai-je aimé ? En réalité brebis et bouc sont intimement liés en chacun de nous, nous sommes à la fois juste et pécheur. Grâce à ce jugement nous pouvons dépasser et éliminer ce qui est bouc en nous, pour que le meilleur de nous-même, la brebis, puisse s’épanouir. Accepter de laisser Dieu agir en nous, c’est le laisser nous éclairer sur ce qui est brebis / juste en nous et pouvoir ainsi le distinguer de ce qui est souffrant, une part de nos limites étant de ne pas toujours discerner en nous le bien du mal.
  • => De quel bouc encombrant les profondeurs de notre être j’aimerais que Dieu me libère ? Quelle brebis en moi pourrait être mobilisée pour éveiller la part de Dieu qu’il y a en chacun ?

4 – Pour un partage/temps de prière en groupe (type lectio divina – dialogue contemplatif)

  • Se mettre en présence de Dieu, par un signe de croix et un chant à l’Esprit-Saint pour qu’Il ouvre les cœurs à l’intelligence des Ecritures.
  • Lire le texte à voix haute.
  • En silence, chacun relie le texte et se l’approprie : s’imaginer la scène d’Évangile : sentir, écouter, regarder l’ambiance, l’environnement, les personnages, les gestes, les attitudes, les paroles. Se représenter soi-même dans la scène, à quelle place (celle d’une petite souris, d’un disciple, de Jésus lui-même) ? Se laisser toucher par un geste, une parole. Prendre le temps de s’imprégner de ce geste ou de cette parole, de la « laisser descendre » dans le cœur.
  • 1er temps de partage : chacun peut dire brièvement quelle parole, quel geste l’a marqué dans ce texte. « j’ai vu », « j’ai entendu», « j’ai été touché »… C’est un temps d’écoute, pas d’échange.
    Ce premier tour, à partir de ce qui est perçu par les sens, donne déjà au récit une densité et une épaisseur nouvelles. Certains voient, entendent, sentent ce que d’autres ne voient pas d’emblée ou n’entendent pas, ils s’entraident ainsi à recevoir la Parole de Dieu de manière plus profonde.
  • Lire une deuxième fois le texte à voix haute
  • Nouveau temps de méditation personnelle : Dieu me parle à travers ce texte. Que m’a-t-il donné de voir de Jésus ? à quoi m’invite-t-il ?
    Dans Matt 25, 31-46 à qui s’adresse Jésus ? Qu’annonce –t-il ?
    Sur quel critère les hommes seront-ils séparés ?
    Les uns comme les autres sont surpris : « Quand t’avons-nous vu ? ». Pourquoi ?
    Les justes sont bénis de Dieu. Les autres sont maudits… mais pas maudits de Dieu. Que vous inspire cette différence ?
    Ai-je déjà distingué sur le visage du petit, du faible secouru ou visité quelque chose qui suggère un autre visage ? Qui sont ces petits aujourd’hui ? A quoi m’appelle cet Evangile ? Que veux-je répondre à Dieu en retour ?
  • 2ème temps de partage : Ce que je veux dire à Dieu est en fait ma prière, chacun peut la dire à voix haute. Cette manière de prier est en quelque sorte une « école de prière » : elle initie en particulier à la contemplation. Elle aide aussi à simplifier sa prière personnelle et à s’y engager davantage.
  • Notre Père

5 – Prière de nos ainés

St Vincent de Paul

« Ô Seigneur, vous êtes venu nous apprendre à aimer notre prochain comme nous-mêmes. Vous nous avez montré, par votre vie, que le service des pauvres est préférable à tout. Aidez-nous à comprendre que ce n’est point vous quitter que de vous quitter pour eux. Vous qui avez voulu être pauvre, vous vous révélez dans les pauvres. En eux, Seigneur, nous vous rencontrons, en les servants, nous vous servons. Amen. »

En quoi la figure de saint Vincent de Paul peut-elle être inspirante pour des jeunes aujourd’hui ?

6 – Pour approfondir